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"Cette guitare a été
achetée par mon père en 1962, à Toulouse, alors qu’il était un jeune
adulte. Il reste sur le dos de la tête, le reliquat de l'étiquette
collée du magasin de musique qui la lui avait vendue (René Feuillet,
24 rue du Taur à Toulouse). Ce n'était pas sa première Jacobacci. Il
en possédait déjà une, un modèle plus typé "jazz", sur laquelle il a
eu la mauvaise idée de s'asseoir (par mégarde) et dont le manche fut
irrémédiablement rompu. Mon père s'est servi de cette "Texas" pour
jouer dans divers groupes locaux à la renommé limitée: la fanfare de
l'école des Beaux-Arts de Toulouse, un groupe de rock'n'roll qui
faisait dans la reprise (dont j'ignore le nom mais qui a joué sur
quelques dates à l'affiche avec un certain Rocky Volcano), un formation jazz plus axée
"New Orleans" qui jouait dans les bars.
Elle a survécu (et mon père également) à un accident de bus assez
costaud lors d'une tournée en Corse, à nos mains peu
précautionneuses d'enfants (celles de mon frère ainé et de moi-même)
et aux 53 dernières années.
Pas mal, me
direz-vous peut-être ?
Pas mal, en effet! Rendons honneur au travail des frères Jacobacci.
Il a dû en jouer
sérieusement jusqu'aux alentours de 1968/69 pour la délaisser par la
suite, les obligations de chef de famille affluant. Pourtant, il
m'arrivait de le voir "gratouiller" sa Texas de temps à autre.
Rarement, il faut bien l’admettre. C'est lui-même qui m'aura appris
mes premiers accords alors même que j'étais parfaitement rétif à
toute notion de technique guitaristique... Je visais une carrière
dans le bruitisme sonore radical... Ma période rebelle bourgeonnant
! J’ai changé d’optique et de technique depuis. Ouf ! Mes voisins
reconnaissants.
Il s'y est gentiment remis sur les dernières années de sa vie, à la
guitare, alternant avec son autre instrument, une Fender Telecaster
pourtant bien plus jeune que son illustre ainée... Une petite
jeunette de 1993, pensez-vous !... Avec laquelle il jouait un
répertoire plus "bluesy".
Mon père n'a jamais été un musicien professionnel, passant de
longues années sans même jouer une note de musique. Pourtant, son
image, dans ma mémoire, reste indissociable de ses guitares, de
cette "Texas" plus particulièrement... Ce qui lui donne une
importance toute significative à mes yeux.
Mon père y avait monté dessus un système de vibrato assez proche des
« Bigsby » (dès les années soixante, Hank Marvin oblige!). Il y
était d’ailleurs encore dessus lorsque je l’utilisais enfant… (je
l’ai toujours, en pièces détachés, pas de marque particulière) puis
il semble s’être ravisé par la suite, l’enlevant,ce qui a eu pour
conséquence de devoir combler par des vis et des raccords « maison »
les trous nécessaires à son assemblage sur le corps de la Texas. On
peut toujours les voir au niveau du cordier « Major »". |