|
Bien qu'originaire
de Vervins, dans l'Aisne, petite sous préfecture de 3ème catégorie,
je me suis fait offrir une guitare "classique" et un livre de
positions d'accords et, sans apprendre le solfège hélas, je me suis
mis à travailler les accompagnements de Marie-Josée Neuville, et
ceux, beaucoup plus difficiles, de Brassens. Puis je me suis
passionné pour le Jazz, ayant un oncle qui avait déjà avant la
guerre plus de huit cents 78 tours de Jazz. Après un bac
science-ex, ayant des cousins à Paris, j'allais dès 1958 au Club St
Germain, au Blue Note, au Caméléon, où j'ai vu pour la première fois
des guitaristes qui jouaient autrement que Django :Jimmy Gourley,
Albi Culaz, René Thomas avec Eddy Louis, que j'ai bien connu par la
suite, grâce à Maurice Vander et Claude Nougaro. En soixante, nous
avons monté un petit orchestre de Jazz amateur à l'école hôtelière
de Thonon-les-Bains, où j'ai connu Nicoletta avant qu'elle ne soit
célèbre. Elle voulait absolument chanter le Blues avec nous. Le
Blues, il n'y avait à peu prés que là dessus que je savais
improviser ! D'ailleurs, nous ne jouions à l'époque que des
Blues...et je n'ai guère progressé depuis. Ce qui me rassure, c'est
ce que m'a dit un jour Johnny Griffin, qui habitait non loin de chez
moi dans le Poitou, avec un accent incroyable : "Jean-Paul, celui
qui sait pas jouer le Blues, il peut pas jouer le Jazz !"
Un jour, habitant Paris dans un petit deux pièces derrière la maison
de la Radio, j'ai essayé, d'imiter Wes Montgomery dans "Satin Doll".
A la fin de la première partie du morceau, un piano, deux étages au
dessus, a terminé l'expo de la Mélodie. C'était Maurice Vander, que
j'ai ensuite suivi un peu partout avec Claude et Eddy. Puis, j'ai
été fasciné par l'orgue Hammond, au point de m'être acheté un "B3".
Maurice m'a montré quelques super accords à 2 doigts, et j'ai un peu
abandonné la guitare, guitare que j'avais acheté en 1962, qui
ressemblait aux Royal, mais avec un manche bois et une tête normale
droite ; Major Conn, à l'époque, m'avait dit que c'était le même
atelier qui la fabriquait. Elle coûtait prés de 50% moins cher. Le
manche était très rond et très étroit. Elle était belle, mais
difficile à jouer. (NDLR comme
celle-ci)
Dans les années 70, j'ai rencontré un garçon qui collectionnait des
jouets, je suis allé chez lui, il est venu chez moi, a vu ma guitare
et m'a dit qu'il avait une Major Conn achetée au début des années
60. Dès que je l'ai touchée, je l'ai voulue, et je l'ai eue sur la
base d'un échange .Elle était équipée du micro amovible Stimer; pas
terrible, ça ferraillait pas mal. Venu habiter dans le Poitou, je
bricolais plus sur un Clavinova que j'avait acheté que sur la
guitare. Une "boite de Jazz s'est ouverte à Poitier, " Le Pince
Oreille", où Maurice Vander a accepté de jouer, tout comme Eddy
Louis. Il y avait un jour de semaine réservé aux" boeufs" pour les
amateurs. Là, j'ai replongé dans la guitare ( une Epiphone, pas mal,
mais pas aussi facile à jouer que la Jaco.) J'y ai rencontré
un semi-pro qui connaissait Roger Jacobacci. Il m'a donné ses
numéros de téléphone. J'ai oublié le nom de la petite ville de
Vendée, non loin de chez moi, près d'un grande place. J'ai pris
rendez-vous de la part de cet ami, je suis arrivé à l'heure, et j'ai
été accueilli par Roger et sa femme, comme s'ils m'avaient toujours
connu, ou comme si j'étais un guitariste célèbre! Il m'a fait
remarquer que mon étui était dans un piteux état. C'est vrai, il est
d'époque, mais encore assez confortable pour ma guitare. Aprés un
café ( que je n'ai pas osé refuser ) dans la cuisine, Roger s'est
levé, et a dit : bon, allons voir ça....Nous sommes descendus au
sous-sol, j'ai ouvert l'étui. Il a eu un petit sourire, a tourné la
guitare dans tous les sens et m'a dit : "bon, on peut mettre le
manche plus facile, mais il vous faudra mettre des cordes ..." Il a
pris une clé, m'a tourné le dos, et m'a dit : "voilà, ça va être
mieux". Ensuite, il a déplacé le chevalet, fait les harmoniques.
"Bon" m'a-t-il dit, "elle est parfaite. Que puis-je encore pour vous
?" J'ai dit timidement :" j'aimerais qu'elle soit électrifiée" "Bon,
si vous y tenez, on peut lui mettre des micros Benedetti. Je n'en ai
pas, il faut les commander". J'ai demandé : "ce sera long ?" "Non
une semaine, plus une autre, le temps de les monter..."
Il reprend la guitare, la gratte, et me dit : "vous savez, elle a un
gros son ! Vous avez une autre guitare électrique ?" "Oui, une Les
Paul Epiphone et une autre à gros coffre." "Alors", il me répond,
"pourquoi vouloir électrifier celle là ?" J'ai répondu : "le manche
est plus facile à jouer..." C'est vrai, ces manches alu, c'était pas
mal. Et, j'ai senti, qu'en fait, il préférait qu'elle reste ainsi,
alors, je lui ai posé la question : "que dois-je faire ?" Il m'a
répondu : "gardez là comme ça, c'est une bonne !" "Combien je vous
dois pour votre travail? Il a répondu avec un grand sourire et de
grands yeux : "quoi ? vous plaisantez, j'ai rien fait !" Et nous
nous sommes quittés. Voilà un homme comme il en existe peu ou plus
...
La vie est étrange. Faisant partie des artisans d'art sélectionnés
par la région Poitou-Charentes pour une exposition organisée
par J.P. Raffarin à Bruxelles, j'ai eu pour mission de m'occuper du
matériel du luthier Dupont, qui ne pouvait venir pour la semaine en
Belgique. C'est aussi un garçon très sympa....
|
|