J’ai acheté dans les
années 80, chez un vendeur de guitares d’occasion à Paris, rue
du Maine, une guitare qui ne ressemblait à rien. Je rêvais d’une
12 cordes mais je n’avais pas les moyens d’en acheter une neuve
à cette époque. En passant par hasard dans cette rue, devant ce
magasin aujourd’hui disparu, je tombe en arrêt sur cette 12
cordes solid-body, façon Gibson SG, avec cette tête magnifique
et une disproportion corps/manche pour le moins originale. Tout
m’était inconnu : la marque, les micros et même le corps SG à
une échancrure. Je n’en avais jamais vu.
Je suis entré. Le vendeur, je m’en rappelle, était heureusement
occupé. Il m’a donc tendu la bête pour que je fasse connaissance
avec elle avant de m’en parler. Dans ce tête à tête avec la
Jaco, j’ai d’abord pris possession du manche, facile sous la
main, avec cette petite imperfection de la touche entre la 12ème
et la 16ème case, qui me l’a rendue tout de suite familière.
Je notais pourtant deux « problèmes » importants.
Le premier tient à la conception (oser dire ça des frères
Jacobacci, je vais sans doute faire hurler les puristes). En
effet, la taille du manche et de la tête font
que le poids du corps n’est pas suffisant pour que la guitare
soit équilibrée. Je m’en suis rendu compte en jouant assis, mais
plus tard ce fut encore plus flagrant, debout, en concert. J’ai
d’ailleurs rapidement remonté un peu l’attache courroie pour
rectifier légèrement cet inconfort.
Le deuxième tient au fait qu’il n’y avait qu’un micro, près du
manche.
J’ai donc essayé cette guitare et ma rencontre avec Benedetti a
été un coup de cœur. J’ai tout de suite adoré la clarté et la
chaleur de ce son. Mais je restais
perplexe sur ce seul micro, placé près du manche. Pour moi,
quitte à n'en mettre qu'un, je l’aurais plutôt vu près du
chevalet ... OK, OK, il peut y avoir débat aujourd’hui sur ce
point, mais moi je faisais de Rock. Mes modèles à moi, c’était
les Beatles! Et il n’y avait pas Internet !!!
Jacobacci et Jazz ? Comment aurais-je pu faire le rapprochement
!?
C’est là qu’intervient notre vendeur. Il m’explique : Jacobacci,
fleuron de la lutherie française, guitares de prestige, Sacha
Distel, Jazz, donc Benedetti, donc près du manche ... Bref, il
me fait l’article sur la précision et la douceur du son, prisée
des jazzmen. J’ai même souvenir qu’il me balance que la guitare
est unique et qu’elle est en dépôt-vente. Mais bon, qui arrive
encore à croire les propos d’un vendeur de guitare ? Sans doute
avais-je tort ;-)
De toutes façons, le coup de cœur avait eu lieu et je suis parti
avec la belle.
Je l’ai tout de suite utilisée, mais rapidement je rencontrais
des difficultés à la faire exister face à la Les Paul du soliste
et à son overdrive ravageur. En rock,
elle se noyait dans la ligne de basse ou pliait les genoux sous
les riffs de l’autre guitariste. Non pas par manque de respect,
mais par manque de connaissance, j’ai donc décidé de faire
ajouter un deuxième Benedetti. Je suis allé voir un luthier en
banlieue parisienne pour lui montrer l’objet. Passé la première
impression «
qu’est-ce que c’est qu'ce truc !? », il m’a dit qu'il était
partant. Je précise que le micro d’origine était à plots plats
et que je souhaitais des micros vintage. Le
luthier n’a pas trouvé d’autre micro Benedetti à plots plats
mais un lot de 2 micros Benedetti d’occasion à plots coniques.
Il a donc changé les deux. J’ai fait
également changer l’accastillage et là, je reconnais que je ne
suis pas vraiment dans l’esprit Jacobacci. OK, mais y’avait pas
internet !!!
Il n’y a donc qu’une photo de la guitare telle que je l’ai
achetée, les autres font apparaitre les modifications.
Aujourd’hui, elle sonne toujours aussi bien mais elle
est toujours aussi déséquilibrée et c’est pénible. |